Eugène Foveau (1886-1957)

 

Eugène Foveau est né à Dijon le 20 novembre 1886. Il était le neuvième enfant d’une famille modeste qui en comptait dix. Son père, qui était entrepreneur de bals, était un excellent musicien amateur et c’est lui qui a enseigné au petit Eugène les rudiments de la musique ; il a même été son seul professeur jusqu’à ce que son fils soit admis au Conservatoire de Paris, et il a favorisé la vocation naissante d’Eugène pour le cornet.
Dès l’âge de 13 ans celui-ci a pu revendiquer le titre de Cornet solo à l’harmonie « L’Union Musicale » de Dijon. En même temps, il suivait les cours d’harmonie du pianiste Charles Suiste.

A l’âge de 16 ans, il est admis dans la classe de J.J. Mellet, professeur au Conservatoire de Paris (1902).
En 1906, il obtient un premier prix de cornet, et en 1907 un premier prix de trompette. C’est le début d’une carrière exceptionnellement brillante. Comme tant d’autres, il « fait le métier ». On l’entend au Ba-Ta-Clan, au Petit Casino et il joue aussi dans l’orchestre de Fred Mélé. En 1905 son ami Achard lui procure le poste de premier bugle solo au sein de la fanfare La Sirène de Paris . Il y restera plusieurs années, parallèlement à son service militaire qu’il effectuera à Versailles en qualité de cornet solo du 1er régiment du génie (1907-1910) ; il jouera aussi pour la Société moderne des Instruments à Vent, fondée en 1895 par le flûtiste G. Barrère.
Libéré en 1910, il entre aux Concerts Touche. Le 20 décembre 1910, il participe au concert donné au Grand Palais par l’orchestre Léon Déliance : il fait partie d’un ensemble de 10 cornettistes qui jouent à l’unisson « Cypris » et « Fête Militaire » d’A. Petit sur des cornets « Monopole » ; une photo mémorable représentant les 18 solistes de Déliance (tous cornettistes) le montre aux côtés de Lecussant (Opéra), L. Champendal, Lucien Body, G. Delevoye (Club des XX), Gustave Perret (Valette), Lubineau (Colonne), Lucien Jean Robert Gurs, Narcisse Bizet, Arthur Guillet (Lamoureux), Henri Lamouret (Opéra Comique), H. Harscoat, Georges Mager (Concerts Touche), Gaston Petit (Colonne), Noël Laborie, R. Caron et E. Veluard !

De 1912 à 1914, il participera à d’autres bals Léon Déliance au Grand Palais, aux côtés de Georges Mager, Jean Bernard, Julien Porret, etc… Son sens musical était tel qu’il transfigurait toutes les œuvres qu’il jouait.

En octobre 1911, Foveau succède à Alexandre Petit comme trompette solo aux Concerts Colonne. Admis en juin 1914 à l’Opéra de Paris, il ne peut entrer en fonctions à cause de la guerre.

A cette époque il était déjà célèbre, or il n’avait que 28 ans, l’âge qu ‘avait Franquin au début de sa carrière.
La mobilisation le surprend en Hollande, à Scheveningue, où il faisait une saison avec l’Orchestre Lamoureux. Le 2 août 1914, il est affecté au 2ième bataillon du Génie, avec lequel il part en campagne. Il est bléssé à deux reprises en 1916 : à Ballersdorff (Alsace) et à Sailly-Sallisel (Somme). Versé au 127ième régiment d’infanterie, il termine la guerre comme musicien-brancardier et avec la Croix de Guerre.

Une fois démobilisé, il entre comme bugle solo à la Musique de la Garde Républicaine, où on lui décerne en 1921 la médaille militaire. Il retrouve son poste aux Concerts Colonne et succède à Ed. Lachanaud en qualité de premier trompette solo de l’Opéra de Paris. Il y jouera pendant plus de 40 ans.

En 1924, il participe à la « Nuit de la Fourrure », toujours au Grand Palais, et c’est lui qui mène la prestigieuse section de l’Opéra groupant à ses côtés Pierre Vignal, Emmanuel Chaine et Albert Adriano, dans la Fanfare pour précéder la Péri de Paul Dukas. A cette époque, Eugène Foveau est le roi incontesté des trompettistes français, avec ce vibrato qui était la marque de son époque. Sa sonorité était ronde et chaude, et son staccato très impressionnant.
Ce vibrato qui, selon Porret, dénoterait l’influence du jazz (et auquel les professeurs du Conservatoire n’étaient pas hostiles pour autant qu’on ne secoue pas l’instrument) se retrouve chez le hautboïste Morel (dès 1920), le corniste Jean Devémy, le flûtiste Moyse et bien sûr le saxophoniste Marcel Mule (dont on sait qu’il inspira des saxophonistes de Paul Whiteman).

Le 3 mars 1925, Foveau succède à Alexandre Petit comme professeur de cornet au Conservatoire de Paris. Foveau avait été proposé par le Conseil supérieur du Conservatoire et le ministre avait ratifié ce choix. La même année, son maître Franquin cède la classe de trompette à Pierre Vignal.

Foveau était de toutes les grandes manifestations musicales. Vers 1928, lors d’un Festival de Musique, on joua le Couronnement de la Muse de Charpentier ; Foveau et Vignal étaient placés chacun à une extrémité du pont Alexandre III, sur une estrade, et jouaient à tour de rôle ; Dartagnan Liagre, tubiste présent lors de l’événement, croit se souvenir qu’ils utilisaient de longues trompettes de type Aïda.

En 1929 Eugène Foveau démissionne des Concerts Colonne et Auguste Beghin (son collègue de la garde Républicaine) lui succède. A cette époque, Foveau est l’une des gloires de cette Phalange, que dirige Pierre Dupont. Cet ensemble prestigieux comptait plusieurs autres grands artistes : Jean Bernard (cornet), Albert Adriano (trompette), Jean Devémy (cor) et Marcel Mule (saxophone alto).
Avec la garde, il enregistre pour Columbia un disque « R.Wagner » qui obtiendra le Grand Prix du Disque en 1933. Le 1er janvier 1930, Foveau est nommé « musicien de première classe ». Il quitte la Garde au cours de l’année 1936-37 et Charles Deruick lui succède en qualité de bugle solo.
En 1932, Foveau enregistre L’histoire du Soldat de Stravinsky, sous la direction du compositeur ; ces 78 tours de la marque Columbia sont distribués à Londres en 1933.

Le 22 janvier 1934 disparaît Merri Franquin, dont Eugène Foveau perpétue l’enseignement. Il est toujours à l’Opéra, mais plus comme soliste, et il doit compter avec la concurrence que lui font les nouveaux talents tant français qu’étrangers. Le maître, qui vit rue Hélène, dans le XVIIème arrondissement, accepte tout de même divers engagements. Georges Hirst se souvient avoir enregistré des musiques de films avec lui.

Eugène Foveau s’éteint le 5 janvier 1957, après avoir enseigné pendant plus de trente ans et sans avoir joui de la retraite méritée qui l’attendait. Ses funérailles eurent lieu le mardi 8 janvier en l’église St Michel des Batignolles en présence d’une très nombreuse assistance et ce fut Jean Devémy qui lui rendit un ultime hommage.

Biographie d’après : LAPLACE Michel, Les fondateurs de l’école française de trompette Merri Franquin, Eugène Foveau et Raymond Sabarich, in Brass Bulletin, n° 29, 1980.

Eugène Foveau was born in Dijon on 20 November 1886. He was the ninth child of a modest family of ten. His father, a dance hall manager, was an excellent amateur musician who taught his son the basics and was his only teacher until Eugène was admitted to the Paris Conservatoire. He encouraged Eugène’s early inclination for the cornet. At the age of 13 he could boast the title of solo cornet at the local wind band, “L’Union Musicale de Dijon”. Meanwhile, he studied harmony with the pianist Charles Suiste.


In 1902, at the age of 16, he entered the Paris Conservatoire in the class of J.J. Mellet. There he won First Prizes, in cornet in
1906 and trumpet in 1907, which marked the beginning of an exceptionally brilliant career, although like many others he began
by playing bread-and-butter music.
In October 1911 Foveau succeeded Alexandre Petit as solo trumpet at Concerts Colonne. Appointed to the Paris Opéra in June 1914, the war prevented him from taking up the post. He had already achieved fame at the time though he was only 28 – Franquin’s age at the beginning of his own career.


After the war, he entered the Musique de la Garde Républicaine as solo bugle and was awarded the Médaille militaire there in 1921. He resumed his post at the Concerts Colonne and succeeded E.Lachanaud as first solo trumpet at the

Paris Opéra, where he was to play for over 35 years.

On 3 March 1925 Foveau succeeded Alexandre Petit as cornet teacher at the Paris Conservatoire. Foveau’s appointment had been suggested by the Conseil supérieur du Conservatoire and the Government had approved it. In the same year, Pierre Vignal took over the trumpet class from Franquin.


In 1929 he resigned from the Concerts Colonne and was succeeded by Auguste Beghin, his colleague at the Garde Républicaine. The prestigious orchestra was conducted by Pierre Dupond and Eugène was then one of its star musicians.

In 1932 Foveau recorded Stravinsky’s Soldier’s Tale under the composer, and the Columbia 78 rpm records were distributed in
London in 1933.


Eugène Foveau died on 5 January 1957 after teaching for more than 30 years and without enjoying the retirement he fully
deserved. His funeral took place on 8th January in St Michel des Batignolles Church in the presence of a large crowd. Jean
Devémy paid the artist an ultimate tribute.

 

from : LAPLACE Michel, Les fondateurs de l’école française de trompette Merri Franquin, Eugène Foveau et Raymond Sabarich, in Brass Bulletin, n° 29, 1980.